Cabinet de Gestalt Thérapie

Olivier Cordier

« Je ne suis pas responsable de ce que l’on a fait de moi, mais je suis responsable de ce que je fais de ce que l’on a fait de moi »
Jean-Paul SARTRE

La théorie polyvagale (TPV), a été développée au début des années 1990 par Stephen W. Porges, chercheur émérite de l’institut Kinsey, Université d’Indiana, et professeur de psychiatrie à l’université de Caroline du Nord

Cette théorie appartient au domaine des neurosciences qui portent sur l’étude du système nerveux.

Elle constitue un petit pas dans le vaste domaine des neurosciences. Elle explique en partie nos réactions inconscientes face au danger. Le danger s’entendant comme une menace réelle ou perçue par chacun d’entre nous.

Cet article est composé de deux parties : l’une présente les notions essentielles de la théorie polyvagale et l’autre l’illustre par deux exemples pratiques.

Quelques notions théoriques :

Qu’est ce que la théorie polyvagale ?

Cette théorie se concentre sur le système nerveux autonome (SNA) qui assure les fonctions vitales de l’organisme.

Selon cette théorie, le SNA jouerait un rôle dans nos comportements sociaux et dans la régulation de nos émotions.

Le système nerveux autonome part du tronc cérébral et envoie des informations du corps au cerveau et du cerveau au corps. 80% des informations remontent du corps vers le cerveau et sont donc non conscientes.

Ces informations sont de deux types : elles mesurent l’état physiologique du corps et le niveau de danger perçu selon trois niveaux de danger :

  • Sécurité
  • Danger
  • Danger de mort

La théorie polyvagale met en avant trois systèmes qui répondent à ces niveaux de danger :

  • Le Système vagal ventral (parasympathique) : nous ressentons du calme, de la joie, du bien-être. La voie vagale ventrale est aussi celle du lien social et de l’attachement. Le système vagal central est synonyme de sécurité.
  • Le Système sympathique: il sert à mobiliser des énergies avec une accélération du rythme cardiaque. Il prépare le corps à un défi physique ou psychologique Selon la théorie polyvagale, Il s’active face à une situation de danger et permet la fuite ou le combat.
  • Le Système vagal dorsal (parasympathique) : nous ressentons de la terreur avec un risque de dissociation, de sidération, de figement. Lorsque celui-ci s’active nous sommes face à un danger mortel.

Le système nerveux autonome fonctionne de manière automatique et le plus souvent de manière non consciente comme indiqué plus haut.

Il est activé par nos « neuroceptions ». Le terme « neuroception » est un néologisme créé par S. Porges. La neuroception est un processus inconscient qui mesure le risque en permanence. Elle est un  »radar » qui détecte dans notre environnement la sécurité ou le danger sans que nous en ayons conscience.

La théorie polyvagale explique le mécanisme du trio sympathique-parasympathique ventral- parasympathique dorsal, soumis à nos neuroceptions. Et comment ces trois parties s’activent selon ce que nous vivons.

Il existe une hiérarchie dans le fonctionnement de ce trio ventral, sympathique et dorsal. C’est-à-dire qu’il n’est pas possible de passer d’un état de paix (ventral) à un état de panique (dorsal) sans passer par le sympathique (mobilisation, danger) et inversement.

Examinons le fonctionnement du système nerveux autonome à travers la théorie polyvagale en utilisant deux exemples simples : l’un dans lequel mon SNA répond de manière appropriée à l’environnement (flexible) et l’autre dans lequel mon SNA est déréglé.

Cas du SNA flexible :

Une personne s’approche de moi en souriant, bras ouverts ; mon radar (neuroceptions) indique, à juste titre, « sécurité » (système parasympathique vagale ventral). A l’inverse, si une personne s’approche de moi de manière menaçante, mon radar indique « danger » (système sympathique).

Les choses se compliquent lorsque ce système nerveux autonome est déréglé. En effet un SNA ne répondant pas de manière sensée à l’environnement peut indiquer un danger dans un environnement sécurisé et, inversement, de la sécurité dans un environnement hostile.

Une personne souvent angoissée a probablement un SNA déréglé (elle ressent du danger même dans un climat sécurisant).

Un motard roulant à 300km/h sur une route départementale a également un SNA probablement déréglé (il ne ressent pas le danger).

Prendre conscience de ce possible dérèglement est très important.

Un SNA ne répondant pas de manière cohérente à l’environnement peut être lié aux histoires vécues. Des exemples plus concrets illustreront cela en deuxième partie.

Avant de donner des exemples concrets il est important de préciser que notre SNA, s’il est déréglé, peut être restauré progressivement. Selon l’intensité du stress vécu ou la récurrence des évènements endurés, le chemin sera plus ou moins long en thérapie.

En pratique :

Illustration 1 : Un système nerveux autonome flexible

Sécurité (vagal ventral) : Je suis assis confortablement et j’écoute de la musique : je me sens bien, en paix et au calme.

Danger (sympathique) : Soudain, mon enceinte active prend feu sur une table en osier qui commence à brûler également. Mon rythme cardiaque s’accélère, ma tension artérielle augmente, la peur s’invite, le danger aussi. Je prends une couverture pour étouffer les flammes.

Danger de mort (vagal dorsal) : La couverture prend feu à son tour.

La panique me gagne, je suis pétrifié de peur et incapable d’agir. Je commence à ne plus rien ressentir et j’assiste à la scène comme si je n’étais plus dans mon corps (dissociation). Dans cet état de sidération, il y a un risque important de traumatisme face à ce danger de mort, ainsi qu’un fort potentiel de dérèglement du système nerveux autonome (SNA).

Heureusement, un voisin entre et éteint le feu.

Je mets du temps à recouvrer mes esprits et, quelques heures après le calme revient.

Dans cette illustration, on constate que les neuroceptions nous ont bien indiqué une situation d’abord calme, ensuite dangereuse, et enfin potentiellement mortelle. Notre SNA s’est enclenché en phase avec les situations. En état de sidération (vagal dorsal), il est important d’indiquer que, selon la durée et la violence subies, le traumatisme sera plus ou moins impactant dans l’avenir. Un travail thérapeutique ciblé sur le trauma pourra aider à surmonter ce dernier s’il devient trop handicapant.

Illustration 2 : un SNA déréglé.

Prenons l’exemple d’une personne ayant subi des violences de la part d’un parent dans sa jeunesse de manière récurrente.

Ce parent était très calme et souriant quand il était sobre, mais devenait agressif et violent sous l’emprise de l’alcool. Planter ce décor est important. Pourquoi ? Parce que l’enfant enregistre qu’une personne calme et souriante peut soudainement devenir une menace. L’enfant n’assimile pas forcément que l’alcool est le déclencheur.

Devenue adulte, cette personne peut éprouver de la peur face à quelqu’un de calme et souriant (activation sympathique), et se figer face à une personne montrant quelques signes d’agressivité (activation vagal dorsale).

Le système nerveux autonome de cette personne est donc déréglé ; en effet, la peur se déclenche dans des situations qui ne présentent pas de danger réel.

Conclusion :

La théorie polyvagale nous aide à comprendre nos états physiologiques et psychologiques. Ce système de régulation est autonome et peut être déréglé par des expériences passées, entraînant des réponses inappropriées au danger.

Il existe des techniques pour activer le nerf vague ventral (source de paix et de calme) telles que la cohérence cardiaque ou la méditation pleine conscience.

Pour les amateurs, je recommande également le yoga et ses diverses techniques de respiration. Le sport en général est un excellement moyen de s’ancrer dans le moment présent et d’ainsi limiter les pensées parasites potentiellement source de peur.

Notons, et c’est important, que selon l’état de santé du SNA, ces techniques sont plus ou moins efficaces.

La TPV est un baromètre qui mesure notre sentiment de sécurité. Quand celui-ci ne fonctionne pas normalement, et si les techniques décrites ci-dessus ne sont pas suffisantes, alors je vous invite à vous faire accompagner par un professionnel qui vous aidera à reprendre confiance en vous, à mieux réguler vos émotions et à restaurer cet espace primordial en vous : la sécurité intérieure.