Cabinet de Gestalt Thérapie

Olivier Cordier

« Je ne suis pas responsable de ce que l’on a fait de moi, mais je suis responsable de ce que je fais de ce que l’on a fait de moi »
Jean-Paul SARTRE

Prenons un moment pour essayer de lister les situations ou les comportements récurrents dans nos vies. Par exemple, dans le domaine affectif, certains d’entre nous tombent systématiquement sur des partenaires au comportement toxique. Dans les domaines professionnel ou amical, certains ont tendance à attirer de manière récurrente les mêmes types de personnes autour d’eux, avec lesquelles ils se retrouvent en situation de conflit. Ces schémas répétitifs nous amènent finalement à nous poser des questions telles que : « Pourquoi est-ce toujours sur moi que ça tombe ? » ou « Je n’ai vraiment pas de chance dans la vie ! »

Regardons ensemble comment ces schémas s’inscrivent en nous, comment nous les reproduisons de manière non consciente et comment nous pouvons, progressivement, les déconstruire à travers une thérapie.

Dans un précédent article, j’avais évoqué « l’effet Zeigarnik » et les schémas répétitifs. Cette étude démontre la propension que nous pouvons avoir à recréer de manière non consciente des situations passées inconfortables. Elle met en lumière le concept essentiel en Gestalt-thérapie d’« inachevé » : tant que la situation initiale n’a pas été « résolue », elle génère une quête inconsciente et répétée à vouloir trouver une issue.

Un jour, un ami m’a confié : « La seule différence entre toutes les femmes que j’ai connues et aimées, c’est la couleur de leurs cheveux ! ». En effet, il tombait systématiquement amoureux de femmes se comportant de la même manière à son égard. Dans son cas, ces femmes finissaient toujours par le trahir ou le quitter générant une grande souffrance et le sentiment d’être finalement maudit.

Il y a deux manières d’appréhender cette situation : se sentir maudit par une sorte de fatalité (comme cet ami), ou explorer consciemment ce schéma qui se répète.

Se résigner ou se sentir maudit est une réaction naturelle et il n’y a aucun jugement à porter là-dessus. Sans ressources et sans aide, il est très difficile de sortir de ce type de schéma

Déconstruire et restaurer les parties de nous qui nous conduisent invariablement aux mêmes problèmes et aux mêmes souffrances requiert du temps, de l’engagement et un accompagnement thérapeutique. C’est à travers notre engagement et notre volonté de s’en sortir que le chemin de la restauration commence.

Avant de regarder comment restaurer ces parties de nous, explorons comment se construit, souvent dès notre plus jeune âge, un schéma réplétif.

J’ai choisi d’explorer cette notion à travers le prisme des relations affectives, car elles sont centrales. En effet, dès la naissance, l’enfant a besoin d’être aimé et reconnu. Ses premières expériences s’inscrivent inconsciemment en lui. Un besoin d’amour non assouvi pendant l’enfance va générer de nombreuses situations inachevées. Comme je l’indiquais plus haut, elles se forment de plusieurs manières et cristallisent des schémas que l’enfant, devenu adulte, tentera de résoudre en adoptant des attitudes l’amenant à revivre ces situations.

Prenons l’exemple d’un schéma affectif dans lequel se greffe la maltraitance :

Imaginons un père violent et très présent dans l’éducation de son enfant. La présence de ce père violent pendant tout le processus de développement de l’enfant fait de lui ce que nous appelons une « figure d’attachement ». De manière paradoxale l’enfant devenu adulte reproduira cette relation douloureuse nouée avec son père (qui fait figure de modèle).

La relation entre le père et l’enfant entraine chez ce dernier un sentiment ambivalent où l’amour et la violence semblent indissociables.

Ce sentiment ambivalent va générer une cohabitation dans laquelle nous retrouvons deux notions gestaltistes : l’indispensable et l’intolérable. La présence du père est indispensable au développement de l’enfant, et la violence ou maltraitance subie est intolérable.

En Gestalt-thérapie, nous appelons cette cohabitation une « forme inachevée critique », où l’indispensable et l’intolérable ne font plus qu’un.

Cette « forme inachevée critique » risque de compromettre tout type de relation harmonieuse de l’enfant devenu adulte. La maltraitance risque de s’inscrire dans chacune de ses relations. En effet, il sera compliqué d’envisager une relation sans les deux paramètres initiaux : l’indispensable et l’intolérable. Il vivra probablement des relations maltraitantes. La maltraitance étant, je le rappelle, tout type de violence (physique, verbale et psychologique). La maltraitance devient donc à la fois indispensable et intolérable.

Souvent, dans ces situations, la personne se sent coupable et pense qu’elle ne mérite pas mieux. C’est ainsi que la personne, porteuse de ce schéma ou de cette situation inachevée critique, reste figée dans ce type de relation.

Comment en sortir ?

Pour interrompre ces répétitions, il peut être important de connaitre la situation passée. Toutefois, en Gestalt-thérapie nous allons nous intéresser à la manière dont elle s’actualise dans le présent. En effet, les nouvelles situations (les relations adultes), bien que différentes, proviennent des schémas souvent archaïques dont elles ne sont finalement que le clone.

La thérapie va permettre de séparer l’indispensable de l’intolérable.

En Gestalt-thérapie, l’objectif est d’aider le patient à prendre conscience de son attirance « maladive » envers toute forme de maltraitance (pour ce cas annoncé). Le déni de ces situations est souvent un obstacle difficile à surmonter. La Gestalt-thérapie, par son approche bienveillante et soutenante, permet de franchir ces étapes progressivement. Par exemple, une première étape consistera à passer du statut de « coupable » à celui de « victime ». En effet, il est fréquent que l’enfant intériorise un sentiment de culpabilité, un phénomène courant chez la plupart des victimes de violence. Cette prise de conscience, bien que subtile en apparence, est en réalité profondément libératrice.

Prendre conscience de l’existence de schémas répétitifs est crucial pour en sortir. La thérapie aide à les déconstruire progressivement en séparant de manière consciente l’indispensable de l’intolérable. Il n’y a aucune fatalité, et reconnaître cela est un premier pas vers le changement. Lorsque des situations de souffrance se reproduisent, c’est le moment, si vous en trouvez le courage, d’explorer ces schémas et de tourner la page sur ce qui a pu être perçu comme une malédiction.