« Arrête de vouloir tout contrôler ! ». Si vous vous sentez concerné(e) par cette injonction, pas de panique : nous sommes nombreux à avoir besoin de contrôler notre environnement dans le but de nous sentir rassurés.
Vouloir tout contrôler n’est ni bien ni mal, mais c’est épuisant car cela mobilise beaucoup d’énergie et se produit souvent de manière non consciente. Dans certains cas, cela peut même tourner à l’obsession.
Dans sa forme aiguë, le contrôle peut prendre la forme de T.O.C. (Troubles Obsessionnels Compulsifs) : se laver les mains cent fois dans la journée, vérifier vingt fois si une porte est bien fermée, mettre chaque objet à un emplacement précis, etc… Sans être forcément atteint de ces troubles, nous sommes tous plus ou moins dans le contrôle.
Maintenant, regardons quel est votre niveau de contrôle. Pour ce faire, il suffit de prendre le temps de répondre à ces quelques questions : êtes-vous plutôt dans une routine qui vous convient ou prêt à saisir chaque occasion comme une nouvelle opportunité ? Est-ce que prendre une décision est compliqué à cause, par exemple, d’un besoin absolu de peser le pour et contre avant de vous lancer ? Le matin, au réveil, avez-vous des rituels sans lesquels vous ne pourriez pas avancer ? Êtes-vous à l’aise avec le changement ? Partir à l’inconnu est-il une source de stress ou d’excitation ?
Les réponses à ces questions simples vont vous aider à mesurer le niveau de contrôle que vous appliquez à votre vie.
Comme il est indiqué plus haut, vouloir tout contrôler mobilise une énergie considérable et peut, en outre, générer beaucoup d’angoisse et de stress. Contrôler les choses, son environnement, voire autrui, revient à vouloir se créer un monde sécurisé. Nous modelons, à travers le contrôle, un monde que nous imaginons sécurisant. Les racines de ce besoin de sécurité remontent souvent à l’enfance vécue probablement dans un environnement insécurisant. Ainsi, le contrôle devient un moyen de se protéger.
Celui ou celle qui contrôle se protège et s’offre la sécurité qu’il/elle n’a pas reçue dans différents domaines (affectif ou matériel, par exemple). Voilà pourquoi il n’est ni bien ni mal d’éprouver le besoin de contrôler son environnement.
Prendre conscience de cette manière d’être est important. En effet, c’est ainsi que l’on peut, pas à pas, faire bouger les choses, lâcher un peu de lest et repérer des schémas obsolètes qui nous amènent à ne plus faire la différence entre passé et présent. En effet, aujourd’hui, tout ce contrôle n’est peut-être plus nécessaire.
Voici quelques exemples pour illustrer l’impact du contrôle dans la vie de tous les jours et les effets néfastes de cette manière quelque peu rigide d’appréhender le monde.
Prenons l’exemple d’un sportif occasionnel qui, à chacune de ses sorties, chronomètre ses performances et entre chaque donnée dans un tableau Excel. Pour certains, il s’agit d’une manière de progresser et de performer. Mais pour celui qui est dans le contrôle, c’est une pratique qui risque d’enfermer le sportif amateur dans un challenge permanent avec comme conséquence de vouloir toujours battre ses records et de ne plus prendre aucun plaisir à faire du sport. Sa vie devient un tableau Excel.
Prenons maintenant l’exemple de l’argent. L’argent est une énergie qui devient destructrice quand elle fait l’objet d’un contrôle qui tourne à l’obsession. Souvent, pour de très nombreuses personnes, argent et sécurité ne font qu’un. Nous avons le profil de ceux qui n’en ont jamais assez et qui éprouvent un besoin compulsif d’accumuler l’argent pour se sentir en sécurité (ce qui est un leurre). Nous avons aussi le profil de ceux pour qui effectuer la moindre dépense constitue un véritable défi pouvant ébranler le fragile édifice qu’ils se sont bâtis.
En thérapie, on invite les patients à mettre progressivement de la nouveauté dans leur existence pour sortir de leur « zone de confort ». Une zone de confort est un espace mental dans lequel nous nous sentons « artificiellement » en sécurité. Imaginer en sortir génère de la peur, car l’inconnu est source de peur. Pour affronter cette peur de l’inconnu, il est important, en thérapie, d’y aller par étapes.
Imaginons une personne qui s’impose d’arriver systématiquement très en avance à ses rendez-vous. La raison initiale serait la peur d’être réprimandée par son interlocuteur, ou celle d’être jugée, ou toutes autres raisons qui font qu’il n’est pas envisageable de faire autrement. Derrière cette manie d’arriver très en avance, se nichent le contrôle et la peur panique d’arriver en retard. Pendant tout le trajet, cette personne va mobiliser énormément d’énergie, occasionnant un stress intense. Des phrases du type « Je ne dois surtout pas être en retard, sinon que va-t-on penser de moi ! » vont l’habiter.
Comment aider cette personne à diminuer ce stress lié au contrôle ? En l’invitant à s’imaginer arriver en retard et à en mesurer les conséquences. Mesurer l’écart entre la projection et la réalité. Y aller progressivement en suggérant, par exemple, d’arriver 15 minutes en avance au lieu de 30. La fois suivante 5 minutes en avance, et un jour tenter d’arriver en retard, pour se confronter à la réalité.
En explorant cette peur d’arriver en retard générant un besoin compulsif d’être très en avance, on découvrira sans doute un événement humiliant appartenant au passé. Cet événement conditionne la personne à s’interdire d’arriver en retard de peur de revivre la situation d’humiliation. Nous sommes face à un schéma qui s’actualise en permanence. Ce schéma obsolète peut-être déconstruit séance après séance.
Essayez dorénavant de repérer la manière dont vous contrôlez votre vie. Agissez avec bienveillance envers vous-même pour tenter de faire de petits pas de côté. Ces petits pas de côté vous permettront de découvrir de nouvelles zones en vous, des zones plus fluides et donc moins génératrices de stress.
En pratiquant régulièrement ces petits changements, vous vous ouvrirez à de nouvelles possibilités et à une vie plus équilibrée.
Conscience, patience et confiance sont les atouts majeurs pour sortir du contrôle pas à pas et, enfin, respirer et lâcher prise.
Jollien, Alexandre (2012). Petit traité de l’abandon. Seuil
Krishnamurti, Jiddu (1973). L’éveil de l’intelligence. Stock