Expliquer la Gestalt-thérapie (que j’appellerai aussi « Gestalt » dans la suite de cet article) est un exercice difficile tant elle a évolué depuis sa création en 1950.
La Gestalt-thérapie est aujourd’hui très répandue aux Etats-Unis, en Amérique du sud et dans de nombreux pays européens. Elle est apparue en France dans les années 70 et suscite un engouement croissant du fait de son approche différente de celle de la psychanalyse.
Gestalt est un mot d’origine allemande comme ses fondateurs, Fritz PERLS (1893-1970 psychiatre et psychothérapeute) et son épouse Laura (1905-1990 psychologue). Il signifie littéralement « forme » et est issu du verbe « gestalten » dont la traduction est « donner forme » ou « structurer ».
Qu’est-ce qui prend forme ? Eh bien nous, grâce à cette technique thérapeutique.
Le premier institut de Gestalt thérapie a été créé à New York en 1952 (ses fondateurs ayant quitté l’Allemagne nazie en 1933). Le véritable essor outre-Atlantique de la Gestalt a lieu dans les années 70. Les penseurs de cette technique thérapeutique se sont inspirés de différents courants philosophiques tels que l’existentialisme, le pragmatisme, l’holisme, la phénoménologie, la Gestalt-théorie et la philosophie orientale. La Gestalt-thérapie s’inscrit dans le courant humaniste et existentiel. En clair, les valeurs de l’Homme sont au-dessus de toute autre valeur. L’accent est mis sur la responsabilité, l’autonomie et la « perfectibilité » de l’Homme. « L’existence précède l’essence », nous dit Sartre. Nous naissons, recevons chacun une éducation et faisons ensuite des choix qui nous structurent.
Il est donc important de se connaître (travail sur soi) et savoir se remettre en question pour opérer les choix qui seront source d’épanouissement.
En quoi la Gestalt-thérapie peut-elle nous y aider ?
La Gestalt, également appelée « thérapie du contact », se concentre sur l’interaction entre notre « organisme » (nous) et notre « environnement » (les personnes, les lieux, les objets etc. qui nous entourent). Organisme et environnement sont indissociables, en effet nous sommes constamment en contact avec un environnement. Selon l’environnement et la situation vécue, ce contact peut être fluide ou plus rigide. Un contact rigide indique la présence de résistances. La Gestalt vise à aider les patients à prendre conscience de leurs résistances, et contribue à apporter de la fluidité dans ce contact.
Exemple : Vous participez à une soirée avec des amis et vous apercevez une personne que vous ne connaissez pas, vous avez envie d’aller lui parler. Votre organisme (vous) souhaite aller vers l’environnement (l’autre). C’est fluide et vous y allez. Si ce n’est pas fluide, que se passe-t-il ? Quelles résistances sont à l’œuvre ? Timidité, peur du rejet, peur de ne pas être à la hauteur etc ?
En Gestalt, nous appelons le mouvement de l’organisme vers l’environnement « l’aller-vers ». Le travail thérapeutique se concentre sur cet « aller-vers » qui est souvent freiné par la peur, l’anxiété, la phobie, la gêne, la honte, le manque d’énergie, etc.
Reprenons l’exemple de cette personne qui souhaite aller parler à un(e) inconnu(e) et qui n’ose pas. Son « aller-vers » est freiné.
En Gestalt, nous nous intéressons finalement peu au « pourquoi » de ce blocage. Le « pourquoi » limite en effet l’exploration à une seule question : pourquoi ai-je peur ? La Gestalt-thérapie met l’accent sur le « comment ». Le « comment » ouvre un champ plus large, intégrant notre être dans sa globalité : comment se manifeste cette peur dans mon corps ? Quelles sensations provoque-t-elle ? Est-ce une sensation/émotion nouvelle ou familière ?
Ce champ d’investigation est extrêmement large et permet de remonter à la source au fil des séances. L’objectif est de restaurer les parts de nous qui sont abîmées, blessées, humiliées, traumatisées, etc.
Le Gestalt-thérapeute repère donc les situations dans lesquelles le contact (« l’aller-vers ») est interrompu par des résistances. Il va aider le patient à en prendre conscience et travailler avec lui à la déconstruction de ces blocages qui l’empêchent d’avancer.
La qualité de présence du thérapeute est sans doute la clef de voûte de la posture gestaltiste. Être présent signifie ressentir ce qu’il se passe durant la séance, sans interprétation et sans jugement.
Cette posture est engageante et soutenante. Elle permet au patient de déployer son histoire avec face à lui une présence pleine, entière et solide permettant l’écoute, le soutien et la compréhension de ce qui se passe. Le Gestalt-thérapeute est un interlocuteur qui suggère, propose, questionne et qui fait aussi part de ses ressentis. En faisant part de ses ressentis il permet au patient de prendre conscience de l’impact de son récit, créant un effet miroir favorisant le travail thérapeutique.
Il est important de préciser qu’un Gestalt thérapeute est formé à la psychopathologie (l’étude des troubles mentaux). Ainsi, il peut observer, lors des séances, des traits de personnalité plus ou moins prononcés : paranoïa, narcissisme, histrionisme, etc. Cette connaissance n’a pas pour objectif de poser des étiquettes sur les patients. Nous regardons l’être dans sa globalité (principe de l’holisme) avec l’ensemble de ses singularités de manière à éviter l’étiquetage. La plupart des gens ont une tendance naturelle à se poser eux-mêmes des étiquettes : je suis comme ci, je suis comme ça, je suis ceci, je suis cela… Le Gestalt thérapeute s’interdit donc d’étiqueter, pour aider le patient à s’apprécier dans sa globalité avec ses freins mais aussi ses ressources.
En cas de détection d’un trouble comportemental aigu, le gestalt-thérapeute pourra orienter le patient vers un psychiatre qui envisagera éventuellement une aide médicamenteuse.
Soulignons également que la Gestalt-thérapie adopte une approche psychocorporelle. Notre cerveau peut créer de faux souvenirs et altérer la réalité, pour nous protéger à la suite d’événements violents et traumatisants. Le corps, en revanche, n’oublie rien et ne ment pas. Explorer ses ressentis pour localiser les émotions et les nommer avec précision permet, pas à pas, de se reconnecter à soi-même. Ces émotions sont les effets de causes profondes, et c’est par cette exploration que nous pouvons restaurer les parties blessées et traumatisées de notre être.
Pour conclure, la Gestalt est colorée d’une multitude de courants philosophiques et psychologiques où de nombreux paradigmes sont bousculés. Elle est la rencontre entre un organisme et un environnement qui sont indissociables. La rencontre singulière entre le patient et le thérapeute. Au fil des séances et à travers l’engagement du patient et du thérapeute, les schémas limitants se déconstruisent progressivement pour permettre une restauration psychique et retrouver un « aller-vers » plus harmonieux.