Avant d’envisager d’en sortir, il est important de comprendre ce qu’est la « zone de confort ».
Repartons en arrière, au moment où nous arrivons dans ce monde, et imaginons que nous sommes des bâtisseurs. Chacun, pour vivre en sécurité, va construire dans son imaginaire son « lieu idéal ». Cette construction démarre dès le plus jeune âge et subit des modifications en relation avec les événements vécus. Des événements qui peuvent affecter notre sentiment de sécurité.
Nous avons chacun notre ou nos zones de confort avec leurs singularités. Ces zones de confort peuvent être différentes selon notre environnement (professionnel, intime, amical, social et familial par exemple).
Je vais m’attacher ici à explorer comment se construit notre zone de confort et à montrer que, derrière ce confort apparent, se cachent de nombreuses peurs. J’essaierai également d’éclairer la question suivante : comment en sortir ?
Certains vont bâtir des forteresses aux murs si épais qu’il est impossible à quiconque d’y pénétrer. Dans cette forteresse, on peut évoluer seul ou avec des gens triés sur le volet. Certains vont bâtir une cabane dans un immense pré entouré d’une belle forêt où chacun est le bienvenu. D’autres mettront des barbelés pour éviter les intrusions. Ces barbelés peuvent être plus ou moins éloignés de la cabane. Certains vont bâtir des blockhaus et refuser l’accès à tout le monde.
Paradoxalement, cette zone dite « de confort » n’est peut-être pas si confortable que cela. Il s’agit d’un endroit métaphorique où nous nous sentons à peu près bien, à peu près en sécurité, et dont les limites semblent infranchissables, tant l’inconnu qui s’étend au-delà de celles-ci fait peur.
Dans mes illustrations imagées, on voit que certaines personnes disposent d’une zone large et ouverte, et d’autres se murent derrière une zone certes douillette mais exiguë et surtout barricadée. La personne enfermée dans son blockhaus ou dans sa forteresse aux murs épais risque de ne pas profiter pleinement de tout ce que peut offrir l’existence. Ces personnes ont leurs propres raisons, leur propre histoire, et leur zone de confort est adaptée à ce qu’elles ont vécu.
Ainsi, par exemple, certaines personnes se sentiront comme des poissons dans l’eau lors d’une soirée avec des inconnus, tandis que d’autres vivront cette situation comme une véritable épreuve, et pour certaines, cela restera tout simplement inimaginable.
Finalement, la zone de confort est semblable à une prison mentale dans laquelle nous nous enfermons par habitude, par « confort », mais aussi par peur d’affronter l’inconnu. Cette zone comprend l’ensemble de nos fausses croyances inscrites au fil des âges et des événements. En Gestalt-thérapie, nous appelons cela des introjects. Un introject est une parole ou une injonction qui nous a été répétée, que nous n’avons pas remise en question et qui va venir altérer certains de nos comportements.
Il existe des introjects sains, tels qu’un parent qui explique à son enfant qu’il faut regarder avant de traverser la route ; cette parole sera répétée jusqu’à ce que l’enfant en tienne définitivement compte. L’effet voulu est de générer un automatisme ou un conditionnement.
Mais d’autres introjects peuvent être limitants : « Un homme est fort et ne pleure pas », « Il faut garder la ligne pour être belle sur la plage cet été », « Attention aux hommes, ma fille », « Tu es nul(le) », « Tu es le (la) meilleur(e) », etc. Quand ces phrases sont répétées fréquemment, nous avons tendance à y croire et à les intégrer en nous. Cela nous conditionne, nous emprisonne et génère une forte pression. Les introjects proviennent de ce que nous avons entendu enfant, mais aussi à l’âge adulte, et que nous n’avons pas remis en question. La société joue également un rôle non négligeable dans la diffusion des introjects. Les panneaux publicitaires pour les maillots de bain qui fleurissent à l’aube de l’été avec des slogans tels que « Ayez la ligne cet été », qui nous sont assénés depuis des décennies, se transforment peu à peu en introjects sociétaux du type « Il faut être mince ». Quelle pression !
La personne qui n’est pas à l’aise dans une soirée avec des inconnus a sans doute entendu trop fréquemment des phrases ou vécu des situations humiliantes qui le laisse imaginer qu’il ne sera pas à la hauteur, qu’il est nul, qu’il n’aura rien à dire etc. Sa zone de confort consistera à éviter ce type de soirée.
Ainsi, notre zone de confort est une prison mentale que nous avons bâtie au fil des ans, et souvent à notre insu. Elle nous conditionne, nous emmure et nous empêche de nous déployer. Cela peut devenir très handicapant.
Pour prendre un autre exemple, si l’on nous ressasse que le monde est dangereux (les journaux télévisés souvent anxiogènes y contribuent), la personne par nature anxieuse appréhendera d’autant plus de se confronter au monde. Sa zone de confort sera donc chez elle, en sécurité, à l’abri de ce monde supposé dangereux.
Mais alors, comment sortir de cette prétendue « zone de confort », emmuré(e) dans de fausses croyances et de puissants introjects ? Selon le handicap ressenti, il sera plus ou moins difficile de faire preuve d’audace pour affronter nos peurs. Une personne agoraphobe ne pourra pas, du jour au lendemain, prendre un bain de foule !
Les premières questions à se poser sont toujours : « Est-ce que tout va bien pour moi ? », « Est-ce que je ne me prive pas de certaines choses simples ? », « Est-ce que je subis ma vie ou est-ce que je la choisis ? ». Les réponses à ces questions peuvent mettre en lumière des endroits en nous où l’on peut ressentir une certaine forme de rigidité. Une fois que nous avons listé l’ensemble des domaines où nous ressentons cette rigidité, nous pourrons alors progressivement tenter des expériences pour apporter de la fluidité.
Je reste chez moi au lieu d’aller à une soirée organisée par de bons amis. Si c’est un choix réfléchi, ce n’est pas de la rigidité. Si c’est à chaque fois un choix cornélien, alors il faut regarder plus finement ce qui « bloque ». Que se passe-t-il au moment où cette proposition m’est faite ? Qu’est-ce que je ressens ? Un peu de peur ? Cette peur d’affronter autre chose que ce que nous connaissons (dans ce cas précis, accepter l’invitation) nous conditionne. Affronter cette peur, c’est essayer de dire oui, une fois, pour voir. Peut-être prendrez-vous votre voiture et ferez-vous demi-tour avant d’arriver à destination. Ce n’est pas grave, saluez votre geste, votre effort, et le courage que vous avez eu à surmonter cette peur. Il n’y a pas de petites ou de grandes peurs, il y a uniquement ce que vous ressentez, vous, et personne d’autre.
L’objectif est de savoir repérer, conscientiser tout ce qui nous freine et ainsi se fixer de petits objectifs pour surmonter nos peurs. Les bénéfices sont nombreux. Ils nous permettent de nous ouvrir à quelque chose de primordial à notre épanouissement : la nouveauté.
Sortir de sa zone de confort, c’est accueillir la nouveauté. C’est ainsi que les choses se restaurent en nous, en acceptant d’affronter ses peurs pour visiter tout ce que le monde a à nous offrir en dehors de cette fameuse « zone de confort ».
Cette démarche bénéfique demande beaucoup de courage, et parfois un accompagnement thérapeutique. Surtout, n’oubliez jamais de vous féliciter à chaque fois que vous surmontez vos peurs. Chaque petit pas effectué en dehors de sa zone de confort est un pas vers la liberté.